Deux cents ans d’ingéniosité française, condensés dans un même emblème : un lion dressé sur ses pattes, prêt à bondir. Tel est le fil rouge de la saga Peugeot, l’un des rares constructeurs automobiles dont la naissance précède l’invention même de la voiture. De la sidérurgie artisanale des frères Peugeot aux feuilles de route « zéro émission » du groupe Stellantis, la marque a traversé révolutions industrielles, guerres, crises pétrolières et mutations numériques sans jamais renier trois valeurs cardinales : robustesse, pragmatisme et élégance accessible. Cet article retrace les grandes étapes d’une maison qui, partie des moulins à café en 1810, produit aujourd’hui des citadines électriques, des SUV hybrides et même des hypercars d’endurance. Embarquez pour un voyage de plus de deux siècles où l’acier se transforme en mobilité, où l’artisan devient industriel, et où le rugissement du lion s’adapte aux moteurs thermiques, hybrides ou 100 % électriques.
Un lion qui naît des étincelles de la révolution industrielle
Peu de constructeurs automobiles peuvent prétendre à une antériorité aussi profonde que Peugeot. Comme vous pouvez le lire sur le journal-auto-moto.fr, l’aventure commence en 1810 lorsque les frères Jean-Pierre et Jean-Frédéric Peugeot transforment le moulin familial de Sous-Crêt, dans le Doubs, en une fonderie d’acier. Loin d’imaginer des voitures, ils laminent d’abord des rubans d’acier pour scies et ressorts d’horlogerie. La qualité exceptionnelle de leur métal leur vaut une clientèle fidèle ; la griffe du lion marchant sur une flèche — déposée en 1858 — symbolise la robustesse de la lame, la souplesse du ressort et la vitesse de la scie.
Les objets du quotidien : moulins, baleines de corset et bicyclettes
Avant même de songer à l’automobile, la famille innove dans les biens de consommation courante. En 1840, elle lance le premier moulin à café domestique en fonte émaillée. Puis viennent les moulins à poivre, si solides qu’ils deviennent la référence des bistrots parisiens. Dans les décennies suivantes, Peugeot produit des baleines de corset, des lames de scie, des outils de jardin et des moulins de table. Vers 1882, Armand Peugeot, ingénieur visionnaire, sent le vent tourner : la bicyclette est en plein essor. Il convainc la famille de créer la Société des Cycles Peugeot. Le succès est fulgurant : dès 1892, l’usine de Beaulieu livre plus de 10 000 vélos par an, gage d’une maîtrise du tubage et de la métallurgie qui servira plus tard aux châssis automobiles.
1891 : la première Peugeot à moteur Daimler
Armand Peugeot est fasciné par les prototypes à moteur à pétrole aperçus lors de l’Exposition universelle de Paris en 1889. Séduit par la traction mécanique, il s’allie à l’ingénieur allemand Gottlieb Daimler pour fabriquer un quadricycle propulsé par un bicylindre de 2 chevaux : la Type 2. Construite à quatre exemplaires en 1891, cette voiturette traverse la France à 15 km/h et prouve la viabilité d’un véhicule personnel hors des villes. Armand fonde alors la Société Anonyme des Automobiles Peugeot en 1896 et installe son usine à Audincourt. Son credo : « Un acier de qualité, une mécanique fiable, un réseau de réparateurs ». En 1900, Peugeot produit déjà 500 voitures par an, un record européen.
Des records de vitesse aux taxis de la Marne
Le début du XXe siècle est celui des exploits. En 1913, la Peugeot L76 de Georges Boillot remporte la Coupe Vanderbilt aux États-Unis à 121 km/h de moyenne, première victoire d’un constructeur non américain. Sur route ouverte, la marque décroche aussi la première place du Grand Prix de France et signe des innovations majeures : moteurs quatre soupapes par cylindre, arbres à cames en tête, freins à tambour sur les quatre roues. Lorsque survient la Grande Guerre, la robustesse des châssis sert aux ambulances et, surtout, aux fameux taxis de la Marne, ces Peugeot Type 153 qui acheminent les troupes vers le front en septembre 1914. L’image de fiabilité colle définitivement au lion.
Entre-deux-guerres : de la 201 à la naissance des séries « voiture populaire »
La crise de 1929 pousse Peugeot à concevoir un modèle abordable. Présentée en 1929, la Peugeot 201 inaugure la nomenclature à trois chiffres avec zéro central et devient la première automobile française produite à plus de 140 000 exemplaires. En 1934, la 401 Eclipse introduit le premier toit rigide rétractable électrique, préfigurant le coupé-cabriolet moderne. Puis vient la 402 au profil aérodynamique, farcie d’innovations : carrosserie ponton, phares intégrés et suspension avant indépendante.
La reconstruction et l’ère Sochaux
Durant la Seconde Guerre mondiale, les usines sont réquisitionnées puis bombardées. À la Libération, Peugeot reconstruit Sochaux et présente la 203 (1948), première carrosserie monocoque maison, dotée d’un moteur demi-sphère fiable et économique. Son succès (plus de 680 000 unités) assure le financement du modèle suivant : la 403 (1955), popularisée par l’inspecteur Columbo. C’est la première Peugeot à diesel de série, annonçant un savoir-faire moteur qui s’affirmera bientôt partout en Europe.
Les années 1960-1970 : le style Pininfarina et l’absorption de Citroën
La 404 (1960), dessinée par Pininfarina, impose une ligne tendue, un moteur à injection Kugelfischer et une réputation d’indestructibilité en Afrique. En 1968, la 504 raffine le concept : berline, break, coupé et pick-up sillonnent les continents, remportant le Rallye Safari. Simultanément, Peugeot rachète Citroën (1974) et crée PSA : un géant capable d’affronter la concurrence allemande et japonaise tout en préservant deux identités stylistiques. La 604 (1975) vis